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Hier jacobins, demain girondins

Christian SAUTTER et Catherine CADOU    | vendredi 1er mai 2020

0 Capitalismo tem a pele dura. Enquanto que a catástrofe do “coronavírus” varre os países ricos do planeta, os mercados financeiros não perdem o sangue-frio. Depois de um momento de estupor e de queda profunda, eles voltam a levantar a cabeça, como se, para eles, o pior já tivesse passado.

(segue artigo em francês)

Le capitalisme a la peau dure. Tandis que la catastrophe « coronavirus » parcourt les pays riches de la planète, les marchés financiers ne perdent pas leur sang-froid. Après un moment de stupeur et une chute profonde, ils redressent la tête, comme si, pour eux, le pire était passé.

New York est une des métropoles les plus touchées par la pandémie, mais Wall Street est plutôt avenante. Les Échos écrivent en s’étonnant que « Wall Street semble marcher sur l’eau » (30 avril 20).

La première raison est que la crise profite aux géants du numérique, les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). L’essor soudain du télétravail, le bond du commerce en ligne, l’intensification des liens et spectacles virtuels profitent à ces colosses, qui représentent désormais 22% du marché des actions (Standard and Poors 500). On apprend que Microsoft pèsera bientôt autant que l’ensemble de la Bourse française (CAC 40). L’indice américain, S&P500, après avoir perdu un tiers de sa valeur depuis le pic en mars, a progressé de 27% depuis le fond de la crevasse, tiré par les cinq cavaliers du numérique.

La deuxième raison est que les capitaux apatrides commencent à paniquer et cherchent refuge dans le port qu’ils jugent le plus sûr, l’Amérique, et s’amarrent au quai le plus solide, les géants de la côte Ouest. Ceci explique que la Bourse américaine ait connu une convalescence plus rapide que les Bourses européennes. Le 29 avril, par rapport au niveau 100 de la fin de l’an dernier, Wall Street est à 89, l’indice européen est à 83, et le CAC 40 à 77. Le quotidien économique note l’heureuse exception danoise : la Bourse de Copenhague, après un fort coup de yoyo, a retrouvé son niveau de début d’année ; l’explication donnée, que nous pourrions méditer, est que cette économie de petite taille a tôt su se spécialiser dans des industries d’avenir : la pharmacie et les énergies renouvelables.

Il existe une troisième raison, inavouée, pour laquelle le capitalisme est plutôt optimiste. La crise va éliminer les entreprises faiblardes, de même que la migration des gnous africains laisse en chemin les animaux les plus fragiles. Ce système économique et social est très darwinien !

Et il est aussi d’un parfait cynisme. Vous pourriez penser que la fabrication d’un vaccin contre le coronavirus ferait frétiller les géants de la pharmacie, mais vous seriez dans l’erreur. Citons le New York Times du 29 avril : « Les grandes sociétés pharmaceutiques ne voient d’habitude aucun profit à tirer des épidémies, qui touchent surtout les pays en voie de développement et qui s’épuisent avant que le vaccin puisse arriver sur le marché ». Le même article félicite un chercheur britannique, le professeur HILL, qui a fondé à Oxford un centre de recherche à but non lucratif sur les vaccins, et qui serait déjà en train de tester un vaccin prometteur, avec l’appui de multiples mécènes, dont la Fondation Gates. Mais, explique ce savant qui cherche des industriels pour produire ensuite des millions de doses, les Américains boudent et posent comme condition d’avoir l’exclusivité mondiale du futur vaccin (pour en tirer un bon profit, on ne se refait pas !).

Quant aux emplois que la paralysie de la machine économique anéantit par millions, les grandes entreprises privées américaines ne se sentent pas concernées. Dans le même numéro des Échos, nous lisons que Boeing a annoncé la suppression de 16000 postes, soit 10% de ses effectifs, en combinant « des licenciements volontaires, le roulement naturel et des licenciements involontaires si nécessaire ». Et la grande firme de Seattle « semble plus désireuse d’adapter ses effectifs à une baisse durable de la demande que de bénéficier des aides publiques. »

Les cinq grands pétroliers (il y a trente ans, on parlait des « Sept sœurs ») ne font pas pitié : leurs revenus vont baisser de 1000 milliards de dollars avec la chute de la consommation et celle du prix du pétrole, mais, « résilients » (le mot est très à la mode), ils maintiennent leurs dividendes et vont tailler fortement dans leurs futurs investissements d’exploration (tout en espérant que les odieux petits concurrents américains et canadiens exploitant les schistes prendront le bouillon !).

Que conclure de ce panorama peu encourageant ? Que la crise du coronavirus ne va pas abattre le capitalisme financier. Et qu’il est urgent d’agir fortement en France et en Europe, si nous voulons éviter une nouvelle explosion du chômage de masse ; si nous en profitons pour muscler l’industrie et la réorienter vers des secteurs d’avenir. Si, enfin, nous voulons éviter que les firmes géantes, américaines et chinoises, et divers fonds « vautours » viennent faire leur shopping pour acheter nos plus brillantes entreprises dont les prix sont actuellement bradés.

Grand-papa Marx nous expliquait à la fin du XIXème siècle que la dynamique du capitalisme était mue par la recherche du profit. Papa Keynes nous démontrait dans les années 1930 qu’il pouvait en résulter un équilibre stable de sous-emploi et qu’il revenait donc à l’État de soutenir la demande par de grandes dépenses d’investissement. Pour éviter un chômage durable, l’Europe et la France doivent donc investir massivement à l’initiative des autorités publiques, sachant que les investissements privés dans de nouvelles usines et de nouveaux emplois seront médiocres pendant quelques années, faute de débouchés assurés et très rentables.

Investir, c’est facile à dire, mais où, comment et combien ? Faut-il suivre le conseil d’un Fonds d’investissement, Fidelity, cité par Les Échos, et dédaigner ce qu’il appelle « la vieille économie » : finance, industrie, matériaux, énergie » ? C’est cette logique obsessionnelle de la start up Nation, selon laquelle seul le numérique avait droit de cité, qui a détourné l’attention et laissé dépérir ces secteurs créateurs de richesses et d’emplois. Mais, dans ces secteurs dits traditionnels, il ne faut pas investir comme avant. Il faut aider leur reconversion pour les inscrire dans une dynamique de développement durable : rentabilité raisonnable et usage frugal des ressources naturelles. Promouvoir une finance patiente et accroître la finance solidaire. Soutenir les industries stratégiques : la pharmacie comme au Danemark, l’automobile sobre et recyclable (plutôt que les SUV), les énergies renouvelables (plutôt que le dispendieux nucléaire), le bâtiment à énergie positive, les biens d’équipements et robots (made in France plutôt qu’importés)

Les prêts publics, voire les prises de participation publiques au capital dans les « entreprises de taille intermédiaire » (ETI) et les grandes sociétés comme Airbus, Renault ou Air France, doivent être conditionnés (par des contrats de plan à moyen terme) à des progrès réels dans la moindre combustion d’énergies fossiles, au maintien ou au développement de l’activité et de l’emploi en France (c’est cela le vrai « patriotisme économique » !), à la promotion des fabrications nationales de biens d’équipement ou de composants.

Cela s’appelle une « politique industrielle », française et européenne, qui rappelle les années de reconstruction et la période pompidolienne.

Deuxième volet de l’effort d’investissement nécessaire pour dégripper la machine et repartir dans la bonne direction : l’économie de proximité. Elle comprend les activités situées en-dessous du radar national mais que connaissent bien les Conseils régionaux et les Communautés de communes. Un sursaut massif est nécessaire pour transformer enfin l’agriculture (40% du bio est importé !!), pour isoler les bâtiments (logements sociaux, écoles, usines, bureaux, ateliers) afin d’y limiter le chauffage y compris l’électrique, pour développer les services de santé, du grand âge, de culture, d’éducation. Répétons qu’il ne s’agit pas de tout décréter depuis la capitale ni même depuis la quinzaine de métropoles. Les projets devraient être proposés par les citoyens et les élus des territoires, validés par les experts (régionaux, nationaux et européens) et financés par chaque niveau, y compris par l’épargne solidaire de proximité.

Ce nouveau développement serait clairement contractuel et non octroyé par des élites parisiennes croyant savoir mieux que personne comment faire le bonheur de citoyens médusés devant leur télévision. Une logique de réseaux plutôt qu’un ruissellement pyramidal !

Terminons par une bonne nouvelle. Dans le futur programme européen d’investissement 2021-2027, provisoirement appelé Invest EU (un jour Green New Deal ?), un quatrième volet a été créé, en sus des trois traditionnels : PME, Recherche-Développement et Infrastructures. Ce nouveau venu est intitulé Social Investment et résulte d’un lobbying réussi des banques publiques européennes d’investissement à long terme (la Caisse des Dépôts pour la France), s’appuyant sur le rapport Prodi-Sautter déjà cité. Mais, suspense, le montant n’est pas encore décidé.

Aux Régions européennes de s’emparer de ce levier pour soulever les nombreux projets jaillissant de leurs territoires ! Aux armes, girondins !

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