CARTA ABERTA ao Presidente Fernando Henrique Cardoso

“Sou português, dramaturgo, encenador, também director do grupo de teatro A Barraca com Maria do Céu Guerra.

Desde 1980 deslocamo –nos ao Brasil com vários espectáculos e trabalhamos em conjunto com a vossa classe teatral. Criaram –se laços de amizade, confiança e extrema Fraternidade.

Sentimos o Brasil como uma outra Pátria e preocupa-nos a possibilidade de esse magnífico país cair nas garras da renascida águia Imperial Nazi.

A nossa experiencia Europeia é bem dolorosa, como todos sabem.

As divisões partidárias com a teimosia persistente do dogmatismo e sectarismo, a recusa de entendimento e acordo geral, conduziram ( e serão sempre o caldo cultura) de várias derrotas frente à barbárie desumana, ao analfabetismo intelectual e cívico, ao renascimento de massacres e vários Holocaustos.

Entre as guerras, alguns proeminentes intelectuais – Bertrand Russel, Romain Roland e muitos outros – tentaram levantar a bandeira da Paz contra a iminência da guerra total predatória. Esforço sério que não resultou, e até Zweig se suicidou no Brasil que ele nomeava como o país do futuro.

Como é possível não ver a nuvem negra que se espalha pelo mundo alimentada pelo vampirismo, pela falsa Ciência de verdadeiros Frankesteins que criam os monstros modernos das epidemias, das mentiras, das ilusões místicas, desarmando as vontades e o raciocínio?

Não resisto a recordar a experiência portuguesa.

O seu amigo Mário Soares foi presidente da República graças à decisão de Álvaro Cunhal  dando essa directiva de voto ao Partido Comunista.

O mesmo Mário Soares nos seus últimos anos foi o grande obreiro do início pela unidade de esquerda que iria tomar o Poder e tão bons resultados tem dado a Portugal.

O Brasil atravessa uma grave situação de crise e desespero.

È precisamente a altura de os parceiros progressistas se entenderem para evitar a catástrofe.

Para esse triunfo – em que todos acreditamos – a decisão de Fernando Henrique Cardoso apelar à unidade de voto contra Bolsonaro, o inimigo público nº 1, será um trunfo imbativel.

Assim o esperamos, bem Haja!

Hélder Mateus da Costa

Lisboa, 16 de Outubro 2018”

O municipalismo libertário

Murray Bookchin que pode ser descrito como o pai do municipalismo libertário. A sua teoria propõe um projeto igualitário e humanista que visa a refundar a nossa cultura política. A participação cidadã e a comunidade são colocadas no centro da organização local, de modo a fazer valer e prevalecer o interesse social geral. Na sua abordagem, os cidadãos deixariam de ser meros obedientes a um Estado-nação, mas verdadeiros “indivíduos falantes e pensantes”. Neste artigo, Murray Bookchin compartilha suas interrogações teóricas e práticas. CR/A Praça

Une nouvelle politique communale ? Les deux sens du mot “politique”

Il existe deux manières de comprendre le mot politique. La première et la plus répandue définit la politique comme un système de rapports de pouvoir géré de façon plus ou moins professionnelle par des gens qui s’y sont spécialisés, les soi-disant “hommes politiques”. Ils se chargent de prendre des décisions qui concernent directement ou indirectement la vie de chacun d’entre nous et ils administrent ces décisions au moyen des structures gouvernementales et bureaucratiques.

Ces “hommes politiques” et leur “politique” sont habituellement considérés avec un certain mépris par les gens ordinaires. Ils accèdent le plus souvent au pouvoir à travers des entités nommées “partis”, c’est-à-dire des bureaucraties fortement structurées qui affirment “représenter” les gens, comme si une seule personne en “représentait” beaucoup d’autres, considérées comme de simples “électeurs”. En traduisant une vieille notion religieuse dans le langage de la politique, on les appelle des élus et ils forment en ce sens une véritable élite hiérarchique. Quiconque prétend parler au nom des gens n’est pas les gens. Lorsqu’ils affirment qu’ils sont leurs représentants, ils se placent eux-mêmes en-dehors de ceux-ci. Souvent, ce sont des spéculateurs, des représentants des grandes entreprises, des classes patronales et de lobbies en tout genre.

Souvent aussi, ce sont des personnages très dangereux, parce qu’ils se conduisent de façon immorale, malhonnête et élitiste, en utilisant les média et en répandant des faveurs et des ressources financières pour établir un consensus public autour de décisions parfois répugnantes et en trahissant habituellement leurs engagements programmatiques au “service” des gens. Par contre, ils rendent ordinairement de grands services aux couches financièrement les mieux nanties, grâce auxquelles ils espèrent améliorer leur carrière et leur bien-être matériel.

Cette forme de système professionnalisé, élitiste et instrumentalisé appelé ordinairement politique est, en fait, un concept relativement neuf. Il est apparu avec l’État-nation, il y a quelques siècles, quand des monarques absolus comme Henry VIII en Angleterre et Louis XIV en France ont commencé à concentrer entre leurs mains un énorme pouvoir.

Avant la formation de l’État-nation, la politique avait un sens différent de celui d’aujourd’hui. Elle signifiait la gestion des affaires publiques par la population au niveau communautaire ; des affaires publiques qui ne sont qu’ensuite devenues le domaine exclusif des politiciens et des bureaucrates. La population gérait la chose publique dans des assemblées citoyennes directes, en face-à-face, et élisait des conseils qui exécutaient les décisions politiques formulées dans ces assemblées. Celles-ci contrôlaient de près le fonctionnement de ces conseils, en révoquant les délégués dont l’action était l’objet de la désapprobation publique.

Mais en limitant la vie politique uniquement aux assemblées citoyennes, on risquerait d’ignorer l’importance de leur enracinement dans une culture politique fertile faite de discussions publiques quotidiennes, sur les places, dans les parcs, aux carrefours des rues, dans les écoles, les auberges, les cercles, etc. On discutait de politique partout où l’on se retrouvait, en se préparant pour les assemblées citoyennes, et un tel exercice journalier était profondément vital. À travers ce processus d’autoformation, le corps citoyen faisait non seulement mûrir un grand sens de sa cohésion et de sa finalité, mais il favorisait aussi le développement de fortes personnalités individuelles, indispensables pour promouvoir l’habitude et la capacité de s’autogérer. Cette culture politique s’enracinait dans des fêtes civiques, des commémorations, dans un ensemble partagé d’émotions, de joies et de douleurs communes, qui donnaient à chaque localité (village, bourg, quartier ou ville) un sentiment de spécificité et de communauté et qui favorisait plus la singularité de l’individu que sa subordination à la dimension collective.

Un écosystème politique

Une politique de ce genre est organique et écologique et non formelle ou fortement structurée (dans l’acception verticale du terme) comme elle le deviendra par la suite. Il s’agissait d’un processus constant et non d’un épisode occasionnel comme les campagnes électorales. Chaque citoyen mûrissait individuellement à travers son propre engagement politique et grâce à la richesse des discussions et des interactions avec les autres. Le citoyen avait le sentiment de contrôler son destin et de pouvoir le déterminer, plutôt que d’être déterminé par des personnes et des forces sur lesquelles il n’exerçait aucun contrôle. Cette sensation était symbiotique : la sphère politique renforçait l’individualité en lui donnant un sentiment de possession et, vice versa, la sphère individuelle renforçait la politique en lui procurant un sentiment de loyauté, de responsabilité et d’obligation.

Dans un tel processus de réciprocité, le moi individuel et le nous collectif n’étaient pas subordonnés l’un à l’autre mais se soutenaient mutuellement. La sphère publique fournissait la base collective, le sol pour le développement de fortes personnalités et

ceux-ci, à leur tour, se rassemblaient dans une sphère publique créative, démocratique, institutionnalisée de façon transparente. C’étaient des citoyens au plein sens du terme, c’est-à-dire des acteurs agissants de la décision et de l’autogestion politique de la vie communautaire, y compris l’économie, et non des bénéficiaires passifs de biens et de services fournis par des entités locales en échange d’impôts et de taxes. La communauté constituait une unité éthique de libres citoyens et non une entreprise municipale instituée par “contrat social”.

La commune : un enjeu moderne

Il y a beaucoup de problèmes qui se posent à ceux qui cherchent à tracer les caractéristiques d’une intervention au niveau communal, mais, en même temps, les possibilités d’imaginer de nouvelles formes d’action politique, qui récupéreraient le concept classique de citoyenneté et ses valeurs participatives, sont considérables.

À une époque où le pouvoir des États-nations augmente, où l’administration, la propriété, la production, les bureaucraties et les flux de pouvoir et de capitaux tendent à la centralisation, est-il possible d’aspirer à une société fondée sur des options locales, à base municipale, sans avoir l’air d’utopistes inguérissables ? Cette vision décentralisée et participative n’est-elle pas absolument incompatible avec la tendance à la massification de la sphère publique ? La notion de communauté à l’échelle humaine n’est- elle pas une suggestion atavique d’inspiration réactionnaire qui se réfère au monde prémoderne (du genre de la communauté du peuple du nazisme allemand) ? Et ceux qui la soutiennent n’entendent-ils pas rejeter ainsi toutes les conquêtes technologiques réalisées au cours des différentes révolutions industrielles depuis deux siècles ? Ou encore, est-ce qu’une “société moderne” peut être gouvernée sur des bases locales à une époque où le pouvoir centralisé semble être une option irréversible ?

À ces questions à caractère théorique, s’en ajoutent beaucoup d’autres à caractère pratique. Comment est-il possible de coordonner des assemblées locales de citoyens pour traiter de questions comme le transport ferroviaire, l’entretien des routes, la fourniture de biens et ressources provenant de zones éloignées ? Comment est-il possible de passer d’une économie basée sur l’éthique du business (ce qui inclut sa contrepartie plébéienne : l’éthique du travail) à une économie guidée par une éthique basée sur la réalisation de soi au sein de l’activité productive ? Comment pourrions-nous chan-ger les instruments de gouvernement actuels, notamment les constitutions nationales et les statuts communaux, pour les adapter à un système d’autogouvernement basé sur l’autonomie municipale ? Comment pourrions-nous restructurer une économie de marché orientée sur le profit et basée sur une technologie centralisée, en la transformant en une économie morale orientée sur l’homme et basée sur une technologie alternative décentralisée ? Et, de plus, comment toutes ces conceptions peuvent-elles confluer au sein

d’une société écologique qui cherche à établir une relation équilibrée avec le monde naturel et qui veut se libérer de la hiérarchie sociale, de la domination de classe et sexiste et de l’homogénéisation culturelle ?

La conception suivant laquelle les communautés décentralisées sont une sorte d’atavisme prémoderne, ou mieux antimoderne, reflète une incapacité à reconnaître qu’une communauté organique ne doit pas nécessairement être un organisme, dans lequel les comportements individuels sont subordonnés au tout. Cela relève d’une conception de l’individualisme qui confond individualité et égoïsme. Il n’y a rien de nostalgique ou de novateur dans la tentative de l’humanité d’harmoniser le collectif et l’individuel. L’impulsion à réaliser ces buts complémentaires (surtout en un temps comme le nôtre, où tous deux courent le risque d’une dissolution rapide) représente une recherche humaine constante qui s’est exprimée tant dans le domaine religieux que dans le radicalisme laïc, dans des expériences utopistes comme dans la vie citoyenne de quartier, dans des groupes ethniques fermés comme dans des conglomérats urbains cosmopolites. Ce n’est que grâce à une connaissance qui s’est sédimentée au fil des siècles qu’on a pu empêcher la notion de communauté de verser dans le grégarisme et l’esprit de clocher et celle d’individualité de verser dans l’atomisme.

Une politique en-dehors de l’État et des partis

N’importe quel programme qui essaye de rétablir et d’élargir la signification classique de la politique et de la citoyenneté doit clairement indiquer ce que celles-ci ne sont pas, ne fût-ce qu’à cause de la confusion qui entoure ces deux mots…

La politique n’est pas l’art de gérer l’État, et les citoyens ne sont pas des électeurs ou des contribuables. L’art de gérer l’État consiste en des opérations qui engagent l’État : l’exercice de son monopole de la violence, le contrôle des appareils de régulation de la société à travers la fabrication de lois et de règlements, la gouvernance de la société au moyen de magistrats professionnels, de l’armée, des forces de police et de la bureaucratie. L’art de gérer l’État acquiert un vernis politique lorsque les soi-disant “partis politiques” s’efforcent, à travers divers jeux de pouvoir, d’occuper les postes où l’action de l’État est conçue et exécutée. Une “politique” de ce genre est à ce point typée qu’elle en est presque assommante. Un “parti politique”, c’est habituellement une hiérarchie structurée, alimentée par des adhérents et qui fonctionne de façon verticale. C’est un État en miniature et dans certains pays, comme l’ex-Union Soviétique et l’Allemagne nazie, le parti constitue réellement l’État lui-même.

Les exemples soviétique et nazi du Parti/État ont représenté l’extension logique du parti fonctionnant à l’intérieur de l’État. Et de fait, tout parti a ses racines dans l’État et non dans la citoyenneté. Le parti traditionnel est accroché à l’État comme un vêtement à un mannequin. Aussi varié que puisse être le vêtement et son style, il ne fait pas partie du corps politique, il se

contente de l’habiller. Il n’y a rien d’authentiquement politique dans ce phénomène : il vise précisément à envelopper le corps politique, à le contrôler et à le manipuler, et non à exprimer sa volonté – ni même à lui permettre de développer une volonté. En aucun sens, un parti “politique” traditionnel ne dérive du corps politique ou n’est constitué par lui. Toute métaphore mise à part, les partis “politiques” sont des répliques de l’État lorsqu’ils ne sont pas au pouvoir et sont souvent synonymes de l’État lorsqu’ils sont au pouvoir. Ils sont formés pour mobiliser, pour commander, pour acquérir du pouvoir et pour diriger. Ils sont donc tout aussi inorganiques que l’État lui-même – une excroissance de la société qui n’a pas de réelles racines au sein de celle-ci, ni de responsabilité envers elle au-delà des besoins de faction, de pouvoir et de mobilisation.

Un nouveau corps politique

La politique, au contraire, est un phénomène organique. Elle est organique au vrai sens où elle représente l’activité d’un corps public – une communauté si on préfère – de même que le processus de la floraison est une activité organique de la plante enracinée dans le sol. La politique, conçue comme une activité, implique un discours rationnel, l’engagement public, l’exercice de la raison pratique et sa réalisation dans une activité à la fois partagée et participative.

La redécouverte et le développement de la politique doit prendre pour point de départ le citoyen et son environnement immédiat au-delà de la famille et de la sphère de sa vie privée. Il ne peut pas y avoir de politique sans communauté. Et par communauté, j’entend une association municipale de gens renforcée par son propre pouvoir économique, sa propre institutionnalisation des groupes de base et le soutien confédéral de communautés similaires organisées au sein d’un réseau territorial à l’échelle locale et régionale. Les partis qui ne s’impliquent pas dans ces formes d’organisation populaire de base ne sont pas politiques au sens classique du mot. Ce sont plutôt des partis bureaucratiques et opposés au développement d’une politique participative et de citoyens participatifs. La cellule véritable de la vie politique est, en effet, la commune, soit dans son ensemble, si elle est à l’échelle humaine, soit à travers ses différentes subdivisions, notamment les quartiers.

Un nouveau programme politique ne peut être un programme municipal que si nous prenons au sérieux nos obligations envers la démocratie. Autrement, nous serons ligotés par l’une ou l’autre variante de gestion étatique, par une structure bureaucratique qui est clairement hostile à toute vie publique animée. La commune est la cellule vivante qui forme l’unité de base de la vie politique et de laquelle tout provient : la citoyenneté, l’interdépendance, la confédération et la liberté. Le seul moyen de reconstruire la politique est de commencer par ses formes les plus élémentaires : les villages, les villes, les quartiers et les cités où les gens vivent au niveau le plus intime de l’interdépendance politique au-delà de la vie privée. C’est à ce niveau qu’ils peuvent

commencer à se familiariser avec le processus politique, un processus qui va bien au-delà du vote et de l’information. C’est à ce niveau aussi qu’ils peuvent dépasser l’insularité privée de la vie familiale – une vie qui est souvent célébrée au nom de la valeur de l’intériorité et de l’isolement – et inventer des institutions publiques qui rendent possible la participation et la cogestion d’une communauté élargie.

En bref, c’est à travers la commune que les gens peuvent se transformer eux-mêmes de monades isolées en un corps politique innovateur et créer une vie civique existentiellement vitale car protoplasmique, inscrite dans la continuité et dotée tant d’une forme institutionnelle que d’un contenu citoyen. Je me réfère ici à des organisations de blocs d’habitations, à des assemblées de quartier, à des réunions de ville, à des confédérations civiques et à un espace public pour une parole qui aille au-delà de manifestations ou de campagnes monothématiques, aussi valable qu’elles puissent être pour redresser les injustices sociales. Mais protester ne suffit pas. La protestation se détermine en fonction de ce à quoi elle s’oppose et non par les changements sociaux que les protestataires peuvent souhaiter mettre en place. Ignorer l’unité civique élémentaire de la politique et de la démocratie, c’est comme jouer aux échecs sans échiquier, car c’est sur le plan citoyen que les objectifs à long terme de rénovation sociale doivent d’abord se jouer.

Pour la décentralisation

En écartant toutes les objections d’inspiration étatiste, le problème du rétablissement des assemblées municipales semble cependant difficilement réalisable si l’on reste dans le cadre des formes administratives et territoriales actuelles. New York ou Londres n’auraient pas les moyens de s’assembler si elles voulaient imiter l’Athènes antique, avec son corps relativement peu nombreux de citoyens. Ces deux villes ne sont plus, en fait, des cités au sens classique du terme, ni même des municipalités selon les standards urbanistiques du XIXe siècle. Vues sous un angle étroitement macroscopique, ce sont de sauvages proliférations urbaines qui ingurgitent chaque jour des millions de personne à une grande distance des centres commerciaux. Mais New York et Londres sont formées de quartiers, c’est-à-dire de plus petites communautés qui possèdent jusqu’à un certain point un caractère organique et une certaine identité propre, définie par un héritage culturel partagé, des intérêts économiques, une communauté de vues sociales et parfois aussi une tradition artistique comme dans le cas de Greenwich Village à New York ou de Camden Town à Londres. Aussi élevé que soit le degré nécessaire de coordination de leur gestion logistique, sanitaire et commerciale par des experts et leurs assistants, elles sont potentiellement ouvertes à une décentralisation politique et même, avec le temps, physique. Sans aucun doute, il faudra du temps pour décentraliser réellement une métropole comme New York en plusieurs municipalités véritables et, finalement, en communes, mais il n’y a pas de raison pour qu’une métropole de

cette taille ne puisse progressivement se décentraliser au niveau institutionnel. Il faut toujours bien distinguer entre décentralisation territoriale et décentralisation institutionnelle. On a avancé d’excellentes propositions pour implanter au niveau local la démocratie dans de telles entités métropolitaines, en restituant le pouvoir aux gens, mais elles ont été bloquées par les centralisateurs qui, avec leur cynisme habituel, ont évoqué toute sorte d’empêchements matériels pour réaliser une telle entreprise. On prétend réfuter les arguments des partisans de la décentralisation en jetant la confusion entre la décentralisation institutionnelle et la désagrégation territoriale effective de ces métropoles. Il faut, au contraire, toujours bien faire la distinction entre décentralisation institutionnelle et décentralisation territoriale, en comprenant clairement que la première est parfaitement réalisable alors qu’il faudrait quelques années pour réaliser la seconde.

En même temps, je voudrais souligner que les conceptions municipalistes (ou, c’est la même chose, communalistes) libertaires que je propose ici s’inscrivent dans une perspective transformatrice et formatrice – un concept de la politique et de la citoyenneté qui cherche à transformer finalement les cités et les mégalopoles urbaines éthiquement aussi bien que spatialement, et politiquement aussi bien qu’économiquement.

Des assemblées populaires ou même de quartiers peuvent être constitués indépendamment de la taille de la cité, pourvu qu’on en identifie les composantes culturelles et qu’on fasse ressortir leur spécificité. Les débats sur leur dimension optimale sont politiquement irrelevants, c’est l’objet de discussion préféré de sociologues entichés de statistique. Il est possible de coordonner les assemblées populaires à travers des délégués pourvus d’un mandat impératif, soumis à rotation, révocables et, surtout, munis d’instructions écrites rigoureuses pour approuver ou rejeter les points à l’ordre du jour des conseils locaux confédérés composés de délégués des différentes assemblées de quartiers. Il n’y a aucun mystère dans cette forme d’organisation. La démonstration historique de son efficacité a été faite à travers sa réapparition constante aux époques de transformation sociale accélérée. Les sections parisiennes de 1793, en dépit de la taille de Paris (entre 500.000 et 600.000 habitants) et des difficultés logistiques de l’époque (où le cheval était ce qu’il y avait de plus rapide) ont œuvré avec beaucoup de succès, en étant coordonnées par des délégués de sections au sein de la Commune de Paris. Elles étaient réputées non seulement pour leur efficacité dans le traitement des problèmes politiques, en se basant sur des méthodes de démocratie directe, mais elles ont aussi joué un rôle important dans l’approvisionnement de la ville, dans la sécurité alimentaire, dans l’élimination de la spéculation, dans le contrôle du respect du maximum des prix et dans beaucoup d’autres tâches administratives complexes.

Aucune cité n’est par conséquent trop grande pour ne pas pouvoir être innervée d’assemblées populaires avec des objectifs politiques. La vraie difficulté est dans une large mesure d’ordre

administratif : comment entretenir les ressources matérielles de la vie de la cité ? Comment affronter d’énormes charges logistiques et tout le poids de la circulation ? Comment préserver un environnement salubre ? Ces problèmes sont fréquemment mystifiés au moyen d’une confusion dangereuse entre la formulation d’une politique et sa gestion. Le fait pour une communauté de décider de manière participative quelle orientation suivre dans une question donnée n’implique pas que tous les citoyens participent effectivement à la mise en œuvre de la décision. Par exemple, la décision de construire une route n’implique pas que tous doivent savoir comment on conçoit et comment on réalise une route. C’est le travail des ingénieurs, qui peuvent présenter des projets alternatifs, et les experts remplissent donc par là une fonction politique importante, mais c’est l’assemblée des citoyens qui est libre de décider. L’élaboration du projet et la construction de la route sont des responsabilités strictement administratives, alors que la discussion et la décision sur la nécessité de cette route, y compris le choix de son emplacement et l’appréciation du projet relèvent d’un processus politique. Si on garde clairement en tête la distinction entre la formulation d’une politique et son exécution, entre la fonction des assemblées populaires et celle des gens qui assurent la gestion des décisions prises, il est alors facile de distinguer les problèmes logistiques des problèmes politiques, deux niveaux habituellement entremêlés.

Le citoyen véritable

Au premier coup d’œil, il peut sembler que le système des assemblées est proche de la formule du référendum, basé sur le partage de la prise de décision entre toute la population et sur la règle majoritaire. Pourquoi, dès lors, souligner l’importance de la forme de l’assemblée pour l’autogouvernement ? Ne serait-il pas suffisant d’adopter le référendum, comme c’est aujourd’hui le cas en Suisse, et de résoudre la question par une procédure démocratique apparemment beaucoup moins compliquée ? Ou alors pourquoi ne pas prendre les décisions politiques par la voie électronique – comme le suggèrent certains enthousiastes de l’internet – où chaque individu “autonome”, après s’être informé des débats, prendrait part au vote dans l’intimité de son foyer ?

Pour répondre à ces questions, il faut prendre en considération une série de thèmes vitaux qui touchent à la nature même de la citoyenneté. L’individu “autonome”, qui, selon la théorie libérale, représente, en tant qu'”électeur”, l’unité élémentaire du processus référendaire, n’est qu’une fiction. Abandonné à son destin personnel au nom de “l’autonomie” et de “l’indépendance”, cet individu devient un être isolé dont la liberté véritable est dépouillée des traits politiques et sociaux sans lesquels l’individualité est privée de chair et de sang… La notion d’indépendance, qui est souvent confondue avec celles de pensée indépendante et de liberté, a été tellement imprégnée du pur et simple égoïsme bourgeois que nous avons tendance à oublier que notre individualité dépend largement des systèmes de soutien et de solidarité de la communauté. Ce n’est ni en nous

subordonnant de façon infantile à la communauté, ni en nous détachant d’elle que nous devenons des êtres humains majeurs. Ce qui nous distingue comme êtres sociaux, de préférence dans des institutions rationnelles, d’êtres solitaires dépourvus de toute affiliation sérieuse, ce sont nos capacités d’exercer une solidarité les uns par rapports aux autres, d’encourager l’autodéveloppement et la créativité réciproques, d’atteindre la liberté au sein d’une collectivité socialement créatrice et institutionnellement enrichissante.

Une “citoyenneté” séparée de la communauté peut être tout aussi débilitante pour notre personnalité politique que l’est la “citoyenneté” dans un État ou une communauté totalitaire. Dans les deux cas, nous sommes reconduits à un état de dépendance caractéristique de la petite enfance, qui nous rend dangereusement vulnérables devant la manipulation, soit de la part de fortes personnalités dans la vie privée, soit de la part de l’État ou des grandes firmes dans la vie publique. Dans les deux cas, et l’individualité et la communauté nous font défaut. Elles se retrouvent toutes deux dissoutes par la suppression du sol communautaire qui nourrit l’individualité authentique. C’est au contraire l’interdépendance au sein d’une communauté solide qui peut enrichir l’individu de cette rationalité, de ce sens de la solidarité et de la justice, de cette liberté effective qui en font un citoyen créatif et responsable.

Bien que cela paraisse paradoxal, les éléments authentiques d’une société libre et rationnelle sont communautaires et non individuels. Pour le dire en termes plus institutionnels, la commune n’est pas seulement la base d’une société libre mais aussi le terrain irréductible d’une individualité authentique. L’importance énorme de la commune est due au fait qu’elle constitue le lieu de parole au sein duquel les gens peuvent intellectuellement et émotionnellement se confronter les uns aux autres, s’éprouver réciproquement à travers le dialogue, le langage du corps, l’intimité personnelle et des modalités directes, non-médiatisées, du processus de prise de décision collective. Je me réfère ici aux processus fondamentaux de socialisation, d’interaction continue entre les multiples aspects de l’existence qui rendent la solidarité – et pas seulement la “convivialité” – tellement indispensable pour des rapports interpersonnels vraiment organiques.

Le référendum, réalisé dans l’intimité de “l’isoloir”, ou, comme le voudraient les partisans enthousiastes de l’internet, dans la solitude électronique de sa propre maison, privatise la démocratie et ainsi la mine. Le vote, de même que les sondages d’opinion sur les préférences en matière de savons et de détergents, représente une quantification absolue de la citoyenneté, de la politique, de l’individualité et une caricature de la formation véritables des idées au cours d’un processus d’information réciproque. Le vote à l’état pur exprime un “pourcentage” préformulé de nos perceptions et de nos valeurs et non leur expression entière. C’est une réduction technique des opinions en simples préférences, des idéaux en simples goûts, de la

compréhension générale en pure quantification, de façon à pouvoir réduire les aspirations et les convictions des hommes à des unités numériques.

La vraie formation à la citoyenneté

En fin de compte, “l’individu autonome”, privé de tout contexte communautaire, de rapports de solidarité et de relations organiques, se retrouve désengagé du processus de formation de soi – paideia – que les Athéniens de l’Antiquité assignaient à la politique comme l’une de ses plus importantes fonctions pédagogiques. La vraie citoyenneté et la vraie politique impliquent la formation permanente de la personnalité, l’éducation et un sens croissant de la responsabilité et de l’engagement public au sein de la communauté, lesquels, en retour, sont seuls à donner une vraie substance à celle-ci. Ce n’est pas dans le lieu clos de l’école, et encore moins dans l’isoloir électoral, que des qualités personnelles et politiques vitales peuvent se former. Pour les acquérir, il faut une présence publique, incarnée par des individus parlants et pensants, dans un espace public responsable et animé par la parole. Le “patriotisme”, comme l’indique l’étymologie du mot [patrie vient du mot latin pater, le père], est un concept typique de l’État- nation, où le citoyen est considéré comme un enfant et est donc la créature obéissante de l’État-nation conçu comme paterfamilias, ou comme un père sévère qui impose la croyance et le dévouement à l’ordre. Plus nous sommes les “fils” ou les “filles” d’une “patrie”, plus nous nous situons nous-mêmes dans une relation infantile avec l’État.

La solidarité ou philia, au contraire, implique le sens de la responsabilité. Elle est créée par la connaissance, la formation, l’expérience et l’exercice d’une certaine sensibilité – en bref, par une éducation politique qui se développe à travers la participation politique. En l’absence d’une municipalité à l’échelle humaine, compréhensible et accessible au point de vue institutionnel, il est tout simplement impossible d’assurer cette fonction fondamentale de la politique et de l’incarner dans la citoyenneté. En l’absence de philia, nous jaugeons “l’engagement politique” par le pourcentage des “votants” qui “participent” au processus “politique” : un avilissement des mots qui dénature totalement leur signification authentique et les dépouille de leur contenu éthique…

Qu’elles soient grandes ou petites, les assemblées initiales et le mouvement qui cherche à les étendre restent la seule école effective de citoyenneté que nous possédions. Il n’y a pas d’autre curriculum civique qu’un domaine politique vivant et créatif pour faire surgir des gens qui prennent la gestion des affaires publiques au sérieux. À une époque de marchandisation, de concurrence, d’anomie et d’égoïsme, cela signifie créer consciemment une sphère publique qui inculquera des valeurs d’humanisme, de coopération, de communauté et de service public dans la pratique quotidienne de la vie civique.

La polis athénienne, en dépit de ses nombreux défauts, nous offre des exemples significatifs de comment le sens élevé de la citoyenneté qui l’imprégnait s’est trouvé renforcé non seulement par une éducation systématique mais par le développement d’une éthique du comportement civique et par une culture artistique qui illustrait des idéaux de service civique par les faits de la pratique civique. Le respect des opposants au cours des débats, le recours à la parole pour obtenir un consensus, les interminables discussions publiques sur l’agora, au cours desquelles les personnalités les plus en vue de la polis étaient tenues à discuter des questions d’intérêt public même avec les moins connus, l’utilisation de la richesse non seulement à des fins personnelles mais aussi pour embellir la polis (en attribuant ainsi une plus grande valeur à la redistribution qu’à l’accumulation de richesse), un grand nombre de festivités publiques, de tragédies et de comédies en grande partie centrées sur des thèmes civiques et sur le besoin d’encourager la solidarité… tout cela et bien d’autres aspects encore de la culture politique d’Athènes formaient les éléments qui ont contribué à créer un sens de responsabilité et de solidarité civiques qui a produit des citoyens activement engagés et profondément conscients de leur mission civique.

Pour notre part, nous ne pouvons pas faire moins – et, souhaitons-le, à terme, nous ferons considérablement plus. Le développement de la citoyenneté doit devenir un art et pas simplement une forme d’éducation – et un art créateur au sens esthétique qui fasse appel au désir profondément humain d’expression de soi au sein d’une communauté politique pleine de sens. Ce doit être un art personnel grâce auquel chaque citoyen est pleinement conscient du fait que sa communauté confie sa destinée à sa probité morale et à sa rationalité. Si l’autorité idéologique de l’étatisme repose sur la conviction que le “citoyen” est un être incompétent, quelquefois infantile et généralement peu digne de confiance, la conception municipaliste de la citoyenneté repose sur la conviction exactement contraire. Chaque citoyen devrait être considéré comme compétent pour participer directement aux “affaires de l’État” et surtout, ce qui est le plus important, il devrait être encouragé à le faire.

Il faudrait fournir tous les moyens destinés à favoriser une participation complète, comprise comme un processus pédagogique et éthique qui transforme la capacité latente des citoyens en une réalité effective. La vie politique et sociale devrait être orchestrée de manière à promouvoir une sensibilité diffuse, la capacité réelle à accepter les différences, sans se soustraire, lorsque c’est nécessaire au besoin de mener de vigoureuses disputes.

Le service civique devrait être considéré comme un attribut humain essentiel et non comme un “don” que le citoyen offre à la communauté ou une tâche onéreuse qu’il est contraint à accomplir. La coopération et la responsabilité civique devraient être vues comme des expressions de la sociabilité et de la philia, et non comme des obligations auxquelles le citoyen essaye

d’échapper dès qu’il le peut.

La municipalité serait donc vue comme une scène de théâtre où se déroule la vie publique sous sa forme la plus pleine de sens, un drame politique dont la grandeur s’étend aux citoyens qui en sont les protagonistes. Tout au contraire, nos villes modernes sont devenues dans une large mesure des agglomérations d’appartements-dortoirs dans lesquels les hommes et les femmes s’assoupissent spirituellement et trivialisent leurs personnalités dans le divertissement, la consommation et le bavardage mesquins.

L’économie municipale

Le dernier et un des plus intraitables problèmes que nous rencontrons est celui de l’économie. Aujourd’hui, les questions économiques tendent à se centrer sur qui possède quoi, qui a plus que qui et, surtout, sur comment les disparités de richesse peuvent se concilier avec un sentiment de communauté civique. Presque toutes les municipalités avaient dans le passé été fragmentées par des différences de statut économique, avec des classes pauvres, moyennes et riches dressées les unes contre les autres jusqu’au point de ruiner les libertés municipales, comme le montre clairement l’histoire sanglante des communes du Moyen- âge et de la Renaissance en Italie.

Ces problèmes n’ont pas disparu à l’époque actuelle. Ils sont même assez souvent tout aussi graves que par le passé. Mais ce qui est spécifique à notre époque (et qui a peu été compris par beaucoup de gens de gauche et d’extrême-gauche en Amérique et en Europe), c’est le fait qu’ont commencé à apparaître des questions transclassistes totalement nouvelles qui concernent l’environnement, la croissance, les transports, la déglingue culturelle et la qualité de la vie urbaine en général. Ce sont des problèmes suscités par l’urbanisation et non par la constitution de la cité. D’autres questions traversent aussi transversalement les intérêts conflictuels de classe, comme les dangers de guerre thermonucléaire, l’autoritarisme étatique croissant et finalement la possibilité d’un effondrement écologique de la planète. À une échelle sans précédent dans l’histoire américaine, une énorme variété de groupes de citoyens ont rassemblé des gens de toute origine de classe dans des projets communs autour de problèmes souvent à caractère local mais qui concernent la destinée et le bien-être de l’ensemble de la communauté.

L’émergence d’un intérêt social général par-delà les vieux intérêts particularistes démontre qu’une nouvelle politique peut facilement prendre corps et qu’elle visera non seulement à reconstruire le paysage politique au niveau municipal mais aussi le paysage économique. Les vieux débats entre la propriété privée et la propriété nationalisée sont devenus de la pure logomachie. Non que ces différents genres de propriété et les formes d’exploitation qu’elles impliquent aient disparu, mais elles ont été progressivement rejetées dans l’ombre par des réalités et des préoccupations nouvelles. La propriété privée, au sens

traditionnel du terme, qui perpétuait le citoyen en tant qu’individu économiquement autosuffisant et politiquement indépendant est en train de disparaître. Elle ne disparaît pas parce que le “socialisme rampant” a dévoré la “libre entreprise” mais bien parce que la “grande firme rampante” a tout dévoré – ironiquement au nom de la “libre entreprise”. L’idéal grec d’un citoyen politiquement souverain qui pouvait juger rationnellement des affaires publiques parce qu’il était libéré du besoin matériel et du clientélisme n’est plus qu’une moquerie. Le caractère oligarchique de la vie économique menace la démocratie en tant que telle, pas seulement au niveau national mais aussi municipal, là où elle conservait encore un certain degré d’intimité et de souplesse.

Nous en arrivons ainsi, soudainement, à l’idée d’une économie municipale qui se propose de dissoudre de manière novatrice l’aura mystique qui entoure la propriété des firmes et la propriété nationalisée. Je me réfère à la municipalisation de la propriété, comme opposée à sa privatisation ou à sa nationalisation. Le municipalisme libertaire propose de redéfinir la politique pour y inclure une démocratie communale directe qui s’étendra graduellement sous des formes confédérales, en prévoyant également une approche différente de l’économie. Le municipalisme libertaire propose que la terre et les entreprises soient mises de façon croissante à la disposition de la communauté, ou, plus précisément, à la disposition des citoyens dans leurs libres assemblées et de leurs députés dans les conseils confédéraux. Comment planifier le travail, quelles technologies employer, quels biens distribuer ? Ce sont toutes des questions qui ne peuvent être résolues que dans la pratique. La maxime de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins, cette exigence célèbre des différents socialismes du XIXe siècle, se trouverait institutionnalisée comme une dimension de la sphère publique. En visant à assurer aux gens l’accès aux moyens de vivre indépendamment du travail qu’ils sont capables d’accomplir, elle cesserait d’exprimer un credo précaire : elle deviendrait une pratique, une manière de fonctionner politiquement.

Aucune communauté ne peut espérer acquérir une autarcie économique, ni ne devrait essayer de le faire. Économiquement, la large gamme de ressources nécessaires à la production de nos biens d’usage courant exclut l’insularité refermée sur elle-même et l’esprit de clocher. Loin d’être une contrainte, l’interdépendance entre communautés et régions doit être considérée – culturellement et politiquement – comme un avantage. L’interdépendance entre les communautés n’est pas moins importante que l’interdépendance entre les individus. Si elle est privée de l’enrichissement culturel mutuel qui a souvent été le produit de l’échange économique, la municipalité tend à se refermer sur elle-même et s’engloutit dans une forme de privatisme civique. Des besoins et des ressources partagés impliquent l’existence d’un partage et, avec le partage, d’une communication, d’un rajeunissement grâce à des idées nouvelles et d’un horizon social élargi qui facilite une sensibilité accrue aux

expériences nouvelles.

Une question de survie écologique

À la lumière de ces coordonnées, il est possible d’envisager une nouvelle culture politique avec une nouvelle renaissance de la citoyenneté, d’institutions civiques populaires, un nouveau type d’économie, et un contre-pouvoir parallèle, dans un réseau confédéral, capable d’arrêter et, espérons-le, de renverser la tendance à une centralisation accrue de l’État et des grandes firmes et entreprises. En outre, il est aussi possible d’envisager un point de départ éminemment pratique pour dépasser la ville et la cité telles que nous les avons connues jusqu’à présent et pour développer de nouvelles formes d’habitation réellement communautaires, capables de réaliser une nouvelle harmonisation entre les gens et entre l’humanité et le monde naturel. J’ai souligné le mot “pratique” parce qu’il est évident que n’importe quelle tentative d’adapter une communauté humaine à un écosystème naturel se heurte de plein fouet à la trame du pouvoir centralisé, que ce soit celui de l’État ou des grandes firmes.

Le pouvoir centralisé se reproduit inexorablement à tous les niveaux de la vie sociale, économique et politique. Il ne s’agit pas seulement d’être grand : il pense “en grand”. Ainsi, ce mode d’être et de penser est non seulement la condition de sa croissance mais de sa survie même. Nous vivons déjà dans un monde où l’économie est excessivement mondialisée, centralisée et bureaucratisée. Beaucoup de ce qui pourrait être fait au niveau local et régional, l’est à l’échelle mondiale – en grande partie pour des raisons de profits, de stratégie militaire et d’appétits impériaux – avec une complexité apparente qui pourrait en réalité être facilement simplifiée.

Si toutes ces idées peuvent sembler trop “utopiques” pour notre temps, alors on peut aussi considérer comme utopiques les exigences urgentes de ceux qui demandent un changement radical des politiques énergétiques, une réduction drastique de la pollution de l’atmosphère et des mers et la mise en œuvre de programmes au niveau mondial pour arrêter le réchauffement de la planète et la destruction de la couche d’ozone. Est-ce qu’il est vraiment illusoire de poursuivre des changements institutionnels et économiques non moins drastiques mais qui se basent en réalité sur des traditions démocratiques profondément enracinées ?

Autor: Murray Bookchin

Extraits de From Urbanization to Cities (Londres, Cassell, 1995). Traduit par Jean Vogel pour la revue Articulations.

Brasil, de completamente imprevisível, o cenário passou a ser completamente inacreditável.

Essa greve dos caminhoneiros já entra para a história como a mais onerosa para o país. Nunca uma greve custou tanto em tão pouco tempo. E isso é fácil de explicar: um governo amador que mal consegue fazer a gestão básica dos modais públicos do país, não conseguiria mesmo administrar uma crise de verdade, com os agentes que escapam ao núcleo das chantagens comezinhas de Brasília.

As imagens de milhões de litros de leite sendo derramados por falta de transporte são muito fortes. Esse tipo de representação visual entra com muita força no imaginário popular. A primeira criatura a perceber isso atende pelo nome de Rede Globo. Ela sabe que a situação escapou ao controle e corre para obter o domínio simbólico deste princípio de catarse social.

Globo, a posse da narrativa simbólica

Este é o negócio principal da Rede Globo. Não é novela, não é futebol, não é reality show: é a posse da narrativa simbólica que organiza a vida social do país. Imagens adicionais chocantes como filas quilométricas de carros para abastecimento, supermercados vazios e racionados, caos no trânsito, desabastecimento generalizado, são a matéria-prima de um jornalismo que produz muita receita pressionando e protegendo governos, num morde-e-assopra visceral e chantagista.

O problema é que esse volume de imagens não é mais exclusividade desta ‘senhora’ de 55 anos que domina a receita publicitária no país. Elas ganham as redes e seguem um curso no limite do imponderável. A Globo, no mínimo, tem que lutar mais por essa propriedade visual.

Noves fora, a greve de caminhoneiros é um produto sensacional. Fosse no governo Dilma, já teríamos um milhão de manifestoches invadindo a Avenida Paulista com suas selfies insuportáveis ao ao lado de policiais, caminhoneiros e frentistas de postos de gasolina.

Criminosos, em geral, se respeitam

‘Pena’ que o governo de agora é o governo Temer. Com Temer, a Globo não sabe muito bem como proceder. Criminosos, em geral, se respeitam. A rigor, a Globo está acumulando energia para as eleições. Sabe que o candidato ideal ainda não apareceu e teme que ele não apareça nunca.

Mas o mais interessante dessa história toda é que o mercado entendeu o nível de submundo intelectual que habita o governo que ele patrocina com docilidade e esmero. Sem meias palavras: investidores ficaram de queixo caído com a desorganização do governo na gestão da política de preços da Petrobras, estopim evidente da greve.

Quando o investidor fica desconfiado, parceiro, é melhor pegar o banquinho e cair fora. Ainda mais em um governo que depende do investidor como o cachorrinho feliz depende do rabo. Eles estão chocados com a incompetência do governo. O valor dos prejuízos que essa greve imporá ao sistema é de difícil precisão. Mas é da ordem de um dígito gordo do PIB e isso já é consenso.

A paralisação de produção de veículos é o termômetro da catástrofe. Não tenho memória de um anúncio desse tipo, nem no regime militar, nem no governo Sarney, nem no desastroso segundo mandato de FHC, a referência histórica mais recente de catástrofe gerencial.

A realidade tomou um novo e desconhecido rumo

Investidores usaram uma palavra forte para a situação política do governo Temer: esfacelamento. Quando palavras assim aparecem de maneira espontânea, é porque realmente a realidade tomou um novo e desconhecido rumo.

A essa altura, o mercado, que pode ser tudo nesse mundo mas não é bobo, já deve estar fazendo contas. Deve estar lembrando de como Lula gerenciava crises desse tipo: com muita conversa e muita lábia – e relativa transparência.

Esse sentimento – do mercado – é muito perigoso para o golpe. E entendo que seja esse o cálculo que Lula faz e ninguém entende: mais cedo ou mais tarde, os investidores irão querer alguém com cérebro de volta ao poder.

Essa agenda de desinvestimento – que nome horrível –, de venda de ativos, de política suicida de preços é algo que corrói o próprio sistema por dentro. O mercado, por assim dizer e num espasmo de lucidez relativa, vai entendendo que sem um governo forte, a movimentação do capital não acontece.

O mercado é como o inconsciente

É meio paradoxal, mas o mercado é como o inconsciente: não tem vínculos morais com absolutamente nada, muito menos com princípios teóricos do neoliberalismo. O mercado quer dinheiro em movimento, fenômeno sem o qual não existe o lucro nem o acúmulo desse lucro.

Uma greve de caminhoneiros no Brasil tem a representação perfeita para esse dilema: é o transporte de riquezas que ficou estancado e em meros cinco dias arrasou a economia do país, com prejuízos incalculáveis.

Afora as coincidências terríveis (o nome do líder dos caminhoneiros é Dilmar, um piloto de Fórmula Truck) e as improvisações grotescas, essa greve marca o momento mais dramático do governo Temer. Nem o escândalo da JBS gerou tanta tensão e tanta insegurança na cúpula golpista Temer-Padilha-Moreira.

O desfecho ainda não está definido

A performance de Pedro Parente, Rodrigo Maia, Eduardo Guardia e demais agentes da subserviência confusa também mereceu o prêmio Framboesa de Ouro. Poucas vezes vi um governo bater tanta cabeça – nem nos ‘áureos’ tempos de FHC.

O desfecho desse capítulo do golpe ainda não está definido. O problema central é que o movimento grevista não tem um líder. A palavra dos negociadores do movimento vale tanto quanto a palavra do governo: nada. Isso deixa a conjuntura relegada a uma deriva inédita: de completamente imprevisível, o cenário passou a ser completamente inacreditável.

Gustavo Conde, Crónica sobre a greve dos caminhoneiros

Jornalismo e auto-censura: a janela de Overton

Foi um politólogo americano, Joseph P. Overton, quem criou um novo conceito sobre os discursos que são aceitáveis … e aqueles que o não são. Foi no campo da política que ele desenvolveu as suas idéias, mas podemos estender o seu princípio a outra área na qual as ideias também podem ser ou aceites de forma positiva ou por e simplesmente rejeitadas: a área da informação.

do Jornal POUR (Escrever a Liberdade), Alain Adrians 

Un politologue états-unien, Joseph P. Overton, qui a créé un concept nouveau relatif aux discours acceptables… ou pas. C’est dans le domaine de la politique qu’il a développé ses idées mais on peut étendre son principe à un autre domaine où les idées sont susceptibles d’être accueillies positivement ou rejetées : celui de l’information.

C’est dans les années 1990 qu’Overton a développé sa théorie et depuis lors elle est connue sous le nom de « fenêtre d’Overton ». Cette fenêtre définit la gamme de propos, de sujets, de propositions qui sont jugés acceptables ou pas. Celui qui, jeune encore, était vice-président d’un institut de science politique a élaboré son concept dans le cadre du monde politique des USA et de sa démocratie représentative influencée par les médias dominants. Selon Overton, il y a une gamme de projets politiques qui peuvent être considérés comme politiquement acceptables au regard de l’opinion publique existante. Un politicien avisé ne fera donc des propositions que dans cette gamme d’idées qui sont recevables par la toute grosse majorité des électeurs. S’il ne respecte pas cette règle implicite, il a peu de chances de gagner ou de conserver une fonction publique. Cette fenêtre d’acceptabilité fut donc appelée fenêtre d’Overton et, dans la cadre d’un débat sur la liberté, il a représenté le concept selon le schéma ci-contre. Les idées politiques peuvent donc être considérées comme « impensables, radicales, acceptables, populaires ou politiques ». Les hommes ou femmes politiques qui visent le pouvoir doivent donc viser le centre de la fenêtre s’ils veulent réussir. En Belgique, ce principe trouve une traduction dans une formule très pragmatique « Les élections se gagnent au centre ». Un parti humaniste (qui se dirait antihumaniste ?) s’est d’ailleurs fait une spécialité de ce positionnement et ses innombrables participations au pouvoir montrent que cela marche pas mal du tout.

Images intégrées 1

Immobilisme

Evidemment, avec une pareille logique, si tous les « responsables » politiques ont comme objectif d’occuper des positions confortables, on risque fort d’avoir des sociétés bloquées où rien ne change, même si c’est nécessaire. En effet, l’opinion publique, formatée par les médias dominants, a tendance à rejeter tout ce qui est « extrême » ou « radical ». Pourtant la radicalité (« qui va à la racine ») est peut-être plus pertinente qu’un statu quo, souvent inspiré par la peur du changement ou la non prise en compte de réalités qui ont changé.

On réalise ainsi que ce sont tout autant les médias que les responsables politiques qui sont à la source de l’immobilisme dans nos sociétés. Sans entrer dans le vaste et grave débat du contrôle des médias dominants par les pouvoirs d’argent, il existe aussi une tendance, faite de prudence et de recherche de taux de lectorat ou d’audimat, qui cadenasse la parole médiatique. Puisque ce sont en grande partie les recettes publicitaires qui assurent la survie des grands médias, puisque ces recettes sont proportionnelles à l’audience, les médias qui veulent réussir et gagner de l’argent font comme les politiciens qui veulent gagner les prochaines élections : ils disent ce qu’ils croient que leurs lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs veulent entendre.

Sans parler de censure de la part de la direction, sans dire que les journalistes s’autocensurent consciemment, on constate cependant une étrange similitude entre les sujets traités par les uns et par les autres. Prenons par exemple l’information sur ce qui s’est passé ces dernières années en Amérique latine. On a maintes fois entendu parler du Venezuela et des graves tensions entre le pouvoir assez autoritaire du bolivarien Maduro et une opposition plutôt violente. Par contre, combien de fois les médias ont-ils parlé du Honduras, des élections truquées, des massacres d’opposants, du meurtre de Bertha Caceres, cette fondatrice du « Conseil citoyen des organisations des peuples amérindiens du Honduras » qui osait résister aux investissements soutenus par le gouvernement issu d’un coup d’Etat militaire de droite ? Pourquoi la majorité des médias sont-ils si critiques de la répression (certes très ferme) d’un gouvernement légal de gauche et si silencieux sur les exactions d’un gouvernement putschiste soumis aux diktats de Washington ? La réponse n’est-elle pas dans la question ?

Quelle grille d’analyse politique ?

Une autre illustration de l’extrême timidité des journalistes quant à leur liberté de pensée et de parole a pu être décelée lors d’un excellent débat organisé par le Festival des Libertés fin 2017 sur le thème « Médias : renforts ou critiques des systèmes ? ». Alors que le panel des journalistes était composé de personnalités plutôt progressistes, leur première réponse fut du genre : « Système ? Quel système ? Il n’y a pas de système dans nos pays démocratiques ! ». On avait l’envie de leur demander « Mais, sous quel régime croyez-vous vivre ? Le féodalisme ? Une monarchie de droit divin ? Ou, peut-être, en régime capitaliste néolibéral… ? ». Ce ne fut qu’au cours du débat, face à des interpellations plutôt directes du public, que certains ont admis que « oui, peut-être, on sait qu’il y a des sujets qu’il convient d’aborder et d’autres moins… ». Cette prudence est compréhensible : tous les intervenants ont insisté sur la difficulté d’avoir du boulot dans le monde des médias où l’on restructure et licencie à tour de bras alors qu’une foule d’étudiants sortent des écoles chaque année… La question « Votre propos est-t-il acceptable ? » est dès lors inévitablement présente dans la tête de tous les professionnels du secteur.

On se trouve donc dans la situation décrite par un autre chercheur, en communication celui-ci, Daniel Hallin qui, en 1986, constatait qu’un sujet pouvait être classé dans trois domaines de couverture médiatique : il y a la sphère du Consensus, la sphère de la Controverse Légitime et la sphère de Déviance. Il est clair que vu les difficultés économique du secteur des médias, les acteurs s’en tiennent aux deux premières sphères. Or, vu les bouleversements que connaissent nos sociétés, il faudrait avoir l’audace de sortir de la zone de confort intellectuel dans laquelle la plupart se cantonnent. Les positions ne sont certainement pas immuables et, par exemple, l’histoire nous montre comment, en une quarantaine d’années, la Société du Mont Pèlerin a réussi à faire basculer l’hégémonie culturelle occidentale d’une social-démocratie de centre gauche vers les valeurs néolibérales concrétisées par la révolution néo-conservatrice débutée dans les années 1980.

Oser résister

Il est assez affligeant de constater que la majorité des gens qui pensent, dont les journalistes, lorsqu’ils parlent librement, entre quatre yeux, sont bien conscients que le mode d’organisation de nos sociétés est médiocre, qu’il nous conduit à toujours plus d’inégalités et toujours plus de destruction des écosystèmes nécessaires à la perpétuation de la vie sur Terre. Ils peuvent donc être des alliés dans l’objectif de déplacer la fenêtre d’Overton vers les valeurs de collaboration, de coopération, de solidarité qui font défaut et de rendre moins acceptables celles de compétition, d’égoïsme, d’individualisme qu’essaie d’imposer le système marchand.

Pour arriver à cette indispensable mutation, deux tactiques sont possibles et complémentaires dans le secteur des médias.

La première est celle qu’adoptent les journalistes présents dans les médias traditionnels. Avec prudence, sans se brûler, ils peuvent contourner la logique que voudrait imposer les actionnaires majoritaires et, loin des éditoriaux « bien-pensants » des rédacteurs en chef, développer des sujets, porter à la connaissance certains faits ou faire passer subrepticement des idées qui ne sont pas celles que voudraient voir la pensée unique dominante.

Le second moyen de diffuser les « bonnes nouvelles » est de créer et de diffuser des médias alternatifs qui, plus professionnels que les médias sociaux (où l’on trouve le pire comme le meilleur), ne se cachent pas derrière une prétendue objectivité (qui n’existe pas puisque tout est produit par des sujets humains), osent afficher la couleur et faire connaître un projet éditorial qui n’est pas celui d’une fausse neutralité.

C’est ce choix qu’a fait la coopérative d’édition POUR écrire la liberté avec ses trois supports, les journaux, les cahiers d’analyse et le site. Mais nous ne sommes pas seuls, fort heureusement, et nous sommes ravis de pouvoir développer des convergences et des échanges avec des médias comme KairosImaginePolitiqueZin TVRadio Panik et autres confrères qui se battent pour un monde moins moche. Les porteurs de tels projets ne disposent évidemment pas des moyens financiers des médias mainstream mais ils compensent ce handicap par du bénévolat, de la militance et des investissements personnels en temps et en énergie parfois lourds. Mais comme disait l’autre, « On aura toute la mort pour se reposer », ce qui est bien le moins quand on se bat pour la vie.

Alain Adriaens